« Qui touche à un symbole doit nous trouver en face ! »

30 août 2020
« Qui touche à un symbole doit nous trouver en face ! »

Je vous propose en lecture le discours que j"ai prononcé lors de la cérémonie du 76ème anniversaire de la libération de la ville, Monument aux morts de toutes les Guerres, 30 août 2020 :

"Monsieur le Préfet.

Mesdames les Députés merci de votre présence.

Monsieur le Sénateur.

Monsieur le représentant de la Présidence du Conseil Régional, Monsieur Assaf.

Madame la représentante du Conseil Départemental, Madame Claudine Vassas-Mejri [bug de la vidéo, plus de son] … 

Madame la directrice de l’ONACVG.

Monsieur le directeur de la France Libre.

Chers portes drapeaux.

Mesdames et Messieurs les élus.

Chers Montpelliérains,

Chers Montpelliérains peu nombreux aujourd’hui, non pas parce que ils n’ont pas le désir de participer à cette cérémonie, mais parce que nous sommes masqués et notre département est en rouge et les principes de prudence et de vigilance face à la pandémie commandent la grande prudence. Nous avons décidé – je les en remercie – de retransmettre ces cérémonies pour qu’elles soient des temps de partage, qu’elles puissent être utilisées après par les professeurs, par les associations pour assurer le devoir de mémoire.

Nous commémorons aujourd’hui la libération de Montpellier. Peut- être, hier quand le pavoisement du drapeau symbole de la liberté, le drapeau tricolore, est apparu sur la place de la Comédie, certains se demandaient pourquoi – sans doute des touristes – mais il est important que les emblèmes au vent soient présents, pour rappeler combien ces heures de la libération de la ville furent des heures à la fois de joie et de douleur. Il est important de le rappeler par ces cérémonies. Il est important de le rappeler par la voix de la jeunesse. Merci à nos cadets de la Défense d’être là, merci de cette lecture du témoin d’Oradour-sur-Glane. Merci de l’avoir lu, en réponse – la plus belle des réponses – à ceux qui ces jours-ci ont profané la mémoire des victimes d’Oradour-sur-Glane.

Merci Mathilde Pasero, de nous rappeler à travers cette magnifique lecture de ce poème d’Aragon, que le courage, l’engagement, l’amour épris de la liberté dépassent les clivages politiques, confessionnels, que ce sont des valeurs humaines qui nous invitent à nous dépasser pour écrire un monde meilleur.

Oui, nous célébrons la libération de la ville, la clameur et les pleurs.

Dès 1940, Montpellier fut mise dans l’épreuve, dans l’épreuve des larmes des réfugiés républicains espagnols qui arrivèrent dans l’exil. De ceux qui connurent l’exode au nord de la France, dans l’est de la France, et qui trouvèrent refuge et asile. Monsieur le Préfet, dans la préfecture une plaque rend hommage à la solidarité et l’hospitalité des Montpelliérains à l’égard des Belges.

A ce moment-là, nos parlementaires, trois, refusent de voter les pleins pouvoirs au Maréchal Pétain. Ils sont l’honneur.

Ces périodes vont être sombres, elles seront marquées pour les populations civiles par les privations, les épreuves de guerre qui nous invitent, parfois, quand nous nous en souvenons, à relativiser nos détresses tant les épreuves furent dures.

Elles furent marquées aussi par des symboles. C’est important les symboles ! La place de la préfecture qui reçut le Président Sadi Carnot pour les 700 de la faculté de Médecine, fut dénommée Place du Maréchal Pétain. La statue du grand Jaurès qui fut venu à Montpellier en 1905 en l’Opéra Comédie, fut déboulonnée par – non pas l’occupant ! – mais des militants de l’extrême droite et fondue. La ville se divisa. Certains prirent le chemin de la Résistance – j’y reviendrai – d’autres de la Collaboration.

Ce matin, nous rendions hommage à la mémoire – et je veux la saluer – de la petite nièce des époux Pignol. Ce sont des Français qui torturèrent. C’était la milice, dont le siège était rue de l’Université ! Ce sont des Français qui s’étaient égarés de la mémoire des combats de la République, des combats et des valeurs. Cette milice fut supplétive ou alliée de la Gestapo qui avait son siège à Montpellier. Il n’y a pas d’échos, il n’y a pas d’enregistrements des cris de douleurs, de la torture. Il doit y avoir en nous, en chacun de nous, une vigilance active du sacrifice de ces hommes et de ces femmes, qui parce que ici, transmettant une lettre, là les pompiers surent de leur devoir, s’engagèrent comme Monsieur Liseugné, ou comme Monsieur le Préfet – je l’ai dit lors de la cérémonie des Justes – incarnèrent ce que l’État avait de meilleur ; Camille Ernst, Secrétaire Général de la Préfecture de l’Hérault.

Oui, il y avait des hommes qui faisaient le choix de la lâcheté et d’autres du courage. Ces résistants qui progressivement rejoignirent les maquis et se préparèrent à accueillir les troupes du Maréchal de Lattre de Tassigny débarquant en Provence et ouvrant ce chemin de liberté sous les clameurs, mais aux côtés des pleurs de ceux que nous perdions.

Il y a, ici, des représentants dans le cadre de l’opération Sentinelle, du deuxième régiment Dragon, qui fut celui, au côté du Maréchal de Lattre de Tassigny, qui libéra la ville. Oui, la clameur arriva. Nous connaissons ces photos et nous les regardons, certes, lors des cours d’histoire ou parfois quand la presse en rend compte, où nous voyons les chars arriver sur la RN113 et de cet Opéra Comédie pavoisé des symboles du drapeau tricolore, de la croix de Lorraine. Oui, la clameur était là, la ville était libérée avec le concours des résistants et les armées alliées, engagées dans ce combat.

Le 26 Août 1944, rue d’Alger, l’imprimerie tourne à plein régime, et le papier sort. C’est la première édition – que les autres confrères de cette presse, m’excusent de la mettre à l’honneur – sort Midi Libre. Midi Libre qui choisit ce titre, pour saluer la liberté, où la croix de Lorraine figure en une et le Général de Gaulle dont nous saluons les 80 ans de son appel, cette année, est en titre : « Nous voici parmi les vainqueurs ». Parce que le courage, parce que l’engagement, parce que le dépassement des clivages autour des idées de la France, de la République, avaient entrainé toute notre énergie, toute l’énergie de cette génération pour nous libérer.

Nous commémorons, ces clameurs mais aussi ces pleurs, les sacrifices civils des 16 victimes qui moururent lors du bombardement du marché-gare, qui n’avaient pas demandé de connaître la guerre.

Aujourd’hui nous sommes là, bien vivants, avec tous ceux qui témoignent, qui s’engagent. La mémoire ça compte pour le présent et le futur. Qui touche à un symbole doit nous trouver en face. Défendons nos symboles, ils sont un héritage précieux. Ils disent beaucoup de clameurs et de pleurs, le prix de nos libertés, la défense de nos valeurs.

Jeunes gens, Cadets de la République, outre votre parcours scolaire, vous fait le choix de l’engagement, soyez en salués, c’est vous, c’est nous qui portons ces valeurs. Chaque fois qu’un des nôtres dans ce pays, les profanent, ils doivent trouver la réponse la plus digne et la plus haute au nom de cette histoire.

Mesdames et Messieurs, Montpellier fut libéré, chaque année nous commémorons cela et je voudrais terminer Monsieur le Président par votre interpellation. Ces cellules que nous avons visitées ce matin, procurent à chaque fois une émotion certaine, parce qu’on se dit : « on aurait pu y être » ; peut être pas d’ailleurs, parce qu’il en fallait du courage. Toujours le doute qui peut être nous a habité. Vous avez rendu hommage à mon prédécesseur, Monsieur Saurel qui au côté du Sénateur Jean-Pierre Grand, des Parlementaires, vous, ont obtenu le classement auprès de la DRAC. Vous pouvez compter sur l’équipe municipale que j’ai l’immense honneur de conduire et en ma qualité de Maire de m’inscrire dans la continuité et de formuler un vœu : c’est que les élèves de troisième de notre ville, ceux de première et de terminale qui enseignent ce que l’on qualifie d’heures sombres dans les programmes puissent voir pour mieux saisir et mieux comprendre. Nous serons à vos côtés car nous commémorons pour le présent et continuer à écrire le futur.

Merci infiniment. "

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